2- Les volcans
a. Invention de la volcanologie.
Le spectacle des éruptions volcaniques fascine et effraie tout à la fois. Les volcans italiens n’ont jamais été avares de leurs activités, et les hommes étaient nombreux pour les voir. Face à ce phénomène qui les dépassait, ils ont toujours cherché à lui trouver une explication. Si beaucoup se sont réfugiés dans des croyances diverses et voyaient dans les éruptions des manifestations divines ou diaboliques, d’autres ont cherché une explication rationnelle. La compréhension du volcanisme s’est faite par approximations successives mais toujours par des observateurs attentifs qui souvent ont essayé d’approcher le phénomène au plus près.
Mathématiciens, philosophes et poètes grecs ont tous leur explication du volcanisme : Thalès s’y intéressa le premier, suivi par Eschyle. Platon fit le voyage en Sicile pour visiter l’Etna. Empédocle s’intéressa à un tel point à ce grand volcan qu’il s’installa au bord du cratère, dans lequel il se jeta désespéré de ne pouvoir en percer les secrets. Grand voyageur, le géographe Strabon visite tous les volcans italiens : il identifie le Vésuve comme un volcan, bien qu’il ne soit pas actif à cette époque… Les Romains prennent le relais : Lucrèce, Sénèque, Ovide parlent de volcans qui les entourent. Et puis Pline, grand naturaliste qui mourut lors de l’observation de l’éruption du Vésuve en 79. Les lettres écrites par son neveu Pline le Jeune, sont véritablement le premier témoignage d’observation scientifique d’une éruption volcanique (Extrait lettres de Pline le Jeune à Tacite).
Tout le Moyen-âge se désintéressa de cette observation de la nature puisque le Moyen-âge, où prédomine l’orthodoxie chrétienne, voit dans les volcans des bouches de l’enfer ouvertes sur Terre. Lors d’une éruption l’on aperçoit la fournaise qui brûle les damnés et leurs cris résonnent aux alentours. Les hommes trouvent aussi dans le Panthéon catholique, des Saints intercesseurs qui vont calmer les fureurs des volcans. Ainsi Catane se protège des éruptions de l’Etna en vénérant Sainte Agathe. A Naples, on célèbre le culte de saint Janvier (San Gennaro).
Les 15 e, 16 e et 17 e siècles voient un renouveau de curiosité pour les choses de la nature ; le terrain d’observation par ailleurs s’élargit avec les grandes découvertes et explorations des nouveaux continents. De nouveaux chercheurs, pas nécessairement habitants de la péninsule italienne, s’intéressent aux volcans. Le 18 e siècle connaît une véritable révolution : les érudits voyagent… et « le » voyage en Italie fait partie de la formation de l’honnête homme. Ces érudits, souvent formés par des universités de leurs pays d’origine, sont aussi de bons dessinateurs, peintres ou graveurs. Les premiers volcanologues sont nés…
Parmi les précurseurs, un français : Nicolas Desmarets ; il identifie les volcans d’Auvergne en tant que tels, fait un voyage pour visiter les volcans italiens. Il contribue aux pages géologiques de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert. Vient ensuite le Chevalier de Dolomieu. Noble, érudit, aventurier, il mène une vie extraordinaire qui le mènera du cachot à la gloire. Au cours de ses nombreux voyages il a l’opportunité de suivre des éruptions du Vésuve, de Stromboli, de Vulcano et de l’Etna ! Son œuvre écrite est considérable et son récit de visite aux volcans italiens pourrait bien le faire considérer comme le premier des volcanologues. Dolomieu a eu la chance de faire l’ascension du Vésuve en compagnie d’un autre personnage extraordinaire : Lord Hamilton. Ambassadeur de sa Majesté Britannique auprès du Roi de Naples, Lord Hamilton se passionne pour l’observation et l’étude du Vésuve. En compagnie de son peintre Pietro Fabris il en suit toutes les éruptions de 1766 à 1794, faisant plus de 200 ascensions du volcan. Mais il étudie aussi le volcanisme des Champs Phlégréens, des îles Éoliennes, de l’Etna. Toutes ses observations minutieuses sont consignées dans des lettres qu’il envoie à la Royal Society à Londres. Ce véritable travail scientifique est publié en d’importants ouvrages, richement illustrés d’aquarelles et de cartes, qui circuleront dans toute l’Europe et serviront de références à tous ses successeurs.
Peu à peu, la science se fait plus internationale, touts les grandes missions d’exploration des terres lointaines compte au moins un naturaliste : ils emportent avec eux leurs connaissances des volcans italiens et les comparent à ce qu’ils trouvent ailleurs. Le plus célèbre d’entre eux est certainement Alexandre von Humbolt qui explore tous les volcans de la chaîne andine du Mexique à l’Équateur mais aussi va étudier le Vésuve en éruption en compagnie de Gay-Lussac. Le Vésuve présente toujours les mêmes attraits pour les scientifiques, surtout pour les Italiens qui, à cette époque voyagent moins que les Français, Anglais ou Allemands. Le Vésuve aussi est un objet de crainte ; vu sa proximité avec la ville de Naples, l’on aimerait en limiter les risques…
Tout cela fait qu’en 1841, le roi Ferdinand II de Naples décide de la création de l’Observatoire Météorologique et Volcanologique du Vésuve. La direction en est d’abord confiée à Macedonio Melloni, grand physicien de son époque, avec instruction d’en faire un centre moteur d’une recherche scientifique mondiale coordonnée. L’Observatoire du Vésuve fût repris en 1852 par Luigi Palmieri. Bien que titulaire de la chaire philosophique de Naples, Palmieri a été un grand scientifique, doublé d’un inventeur génial. Pour lui, l’étude du Vésuve était un véritable sacerdoce : il de dédia complètement à la recherche, inventant sans relâche de nouveaux instruments pour prendre le pouls du volcan et vivant près de 16 ans sur ses pentes.
Raffaele Matteucci qui prit sa succession était de la même trempe… On leur doit à tous les deux le premier observatoire volcanologique du monde et la mise en place d’un programme scientifique complet enrichi par de nombreux échanges internationaux. Tous les grands chercheurs de la fin du 19 e et du début du 20 e siècle passeront par là : ils y trouveront un cadre propice à de nouvelles découvertes. Avec la création de l’Observatoire du Vésuve, on peut vraiment dire que la volcanologie moderne est née… et elle est née près de chez nous sur les volcans italiens !
b. La nécessité des observatoires.
Compte tenu de la répartition de la population, ce ne sont pas nécessairement les plus grandes éruptions qui sont les plus meurtrières. Ainsi, dans une zone très peuplée, une éruption de faible importance, ou ses effets secondaires, si elle est associée à une mauvaise coordination, voire une incompréhension de langage, entre les autorités civiles, les scientifiques, les médias et la population, peut entraîner un véritable sinistre.
A parti du 20 e siècle, chaque grande catastrophe volcanique a suscité de la part des scientifiques aussi bien que des autorités civiles un regain d’intérêt pour l’étude et la surveillance des volcans. Des avancées significatives dans la connaissance des mécanismes et des dynamismes éruptifs ont ainsi été faites, souvent par à-coups. Les observations faites transformèrent la volcanologie en une science moderne pluridisciplinaire. L’institut National des Sciences de l’Univers (CNRS) et l’Institut de Physique du Globe de Paris, en charge de la surveillance des volcans français, développèrent les réseaux de surveillance de la Soufrière et de la Montagne Pelée de sorte que les observatoires de ces deux volcans sont maintenant au premier plan mondial.
Fin 1995, près de soixante observatoires volcanologiques ou organismes de recherche maintiennent des réseaux de surveillance sur environ 150 volcans et font tous partie d’une structure de coordination : l’Organisation Mondiale des observatoires Volcanologiques, une commission de l’Association Internationale de Volcanologie et de Chimie de l’Intérieur de la Terre. Tous ces réseaux n’ont pas le même niveau de développement. Suivant les moyens dont disposent les institutions, cela va d’une simple observation visuelle jusqu’à des réseaux sophistiqués composés de stations enregistrant différents paramètres en continu qui sont télétransmis à l’observatoire et décryptés en temps réel.
Après une crise volcanique, l’intérêt des recherches volcanologiques dans leur ensemble et de la surveillance du volcan fauteur de trouble en particulier est bien admis par les autorités civiles, et ce pour des raisons socio-économiques. Mais une fois l’activité ralentie, voire stoppée, l’intérêt de ces études suit la même voie ; d’autant qu’il ne manque jamais, même parmi les scientifiques, d’esprits dits « éclairés » pour critiquer et même déconseiller la maintenance d’observatoires en période de repos du volcan. Dans de telles conditions, il est parfois difficile de maintenir des observations continues.
Les observatoires volcanologiques ont deux objectifs majeurs : la recherche et la surveillance. La recherche concerne la connaissance caractéristique de chaque volcan, son état et son évolution, les mécanismes éruptifs qui interviennent et le dynamisme éruptif. La surveillance opérationnelle a pour objectif de fournir des observations interprétées sur une éruption : signaux précurseurs, analyse des signaux recueillis aux autorités scientifiques de tutelle comme aux autorités civiles. Ce sont les observatoires en effet qui ont la charge de prévenir le plus tôt possible les autorités civiles d’un éventuel réveil du volcan afin que celles-ci puissent prendre en temps voulu les dispositions qui s’imposent : l’évacuation des populations par exemple.
c. La recherche volcanologique.
i. Dynamismes éruptifs.
On distingue six types principaux de dynamismes éruptifs : il existe bien sûr toute une gradation d’un type à l’autre, et la caractérisation d’une activité éruptive par rapport à un type précis n’est pas toujours évidente. Un même volcan peut aussi présenter plusieurs dynamismes différents au cours de son histoire géologique, ou même durant une seule éruption, composition et viscosité du magma pouvant varier au cours du temps. Un diagramme qui lie fragmentation et dispersion permet de mettre en évidence plusieurs types de dynamismes éruptifs. L’étude des dépôts d’une éruption permet également, en fonction de ces deux critères, de savoir à quel dynamisme l’éruption est due.
Deux termes extrêmes se dégagent : le volcanisme hawaïen, constitué essentiellement de coulée de lave où la fragmentation est nulle et où la dispersion est très limitée, et le volcanisme plinien où la fragmentation est extrême et la dispersion est très élevée. Le contact entre l’eau et le magma peut faire apparaître deux types de dynamismes supplémentaires : dynamisme surtseyen lors de l’émission de lave sous faible profondeur d’eau et volcanisme vulcanien lorsqu’il y a contact entre l’eau et le magma.
Les mêmes dynamismes apparaissent lorsque l’on fait varier les conditions physiques appliquées ay magma. On observe une évolution régulière d’un dynamisme à l’autre. Ici aussi, l’eau qui entre en contact avec le magma fait apparaître deux dynamismes particuliers. Le passage d’un dynamisme à l’autre fait varier le degré d’explosivité de l’éruption.
ii. Mécanismes éruptifs.
Lorsque le magma extrait et éventuellement différencié en profondeur arrive en surface, il se produit l’éruption volcanique. Ce magma se compose d’un bain de silicates fondus dans lequel divers gaz sont dissous. Gaz et liquides ont tous un rôle à jouer dans les mécanismes éruptifs et sont responsables des différents dynamismes éruptifs.
Lorsque le magma stationne à plus ou moins grande profondeur, que ce soit dans une chambre profonde ou dans une chambre superficielle. Il est soumis à de grandes pressions. Ces pressions sont exercées par le poids des parois et de la voûte du réservoir ; c’est ce que l’on appelle la pression lithostatique. Cette pression exercée sur la phase liquide du magma permet aux gaz d’y exister sous forme dissoute. Lorsque le magma monte vers la surface, la pression qu’il subit diminue. A ces profondeurs relativement faibles, les gaz vont prendre la forme de bulles dans la phase liquide. Pendant que ce mélange remonte jusqu’en surface, le volume gazeux et la taille des bulles augmentent. La pression interne des gaz va croître et, à proximité de la surface, dans le cratère, les bulles vont éclater, dissocier le liquide visqueux et le projeter en fragments plus ou moins petits.
La fragmentation du liquide par l’éclatement des bulles de gaz dépend très directement de la viscosité du liquide en question. Cette viscosité évolue par rapport à la teneur en silice du bain de silicates : plus celui-ci sera riche en silice, plus il sera visqueux. Un magma pauvre en silice sera très fluide, il se dégazera aisément : l’éclatement des bulles de gaz fragmentera peu le liquide résiduel. Celui-ci sera projeté parfois par-dessus le cratère, mais à faible hauteur, et les projections ne couvriront qu’une faible surface. La majeure partie du liquide s’écoulera sous forme de coulée de lave. Un magma riche en silice sera très visqueux : les bulles de gaz restent souvent en surpression jusqu’en surface. La libération de ces gaz dans l’éclatement des bulles se fait de manière violente : la lave visqueuse est fractionnée en très petits fragments, parfois pulvérisés en cendres très fines. Ces petits éléments sont entraînés dans un panache aérien qui les transporte parois à de grandes distances et les dépose sur des surfaces importantes, alors qu’il n’y a pas, ou peu, d’épanchement de coulées de lave.
iii. Indice d'explosivité.
Il est apparu nécessaire de définir et de classer les intensités et la taille des éruptions volcaniques, cela non seulement pour garder des traces des éruptions passées, mais surtout pour essayer de mieux apprécier les risques des éruptions futures.
La définition de l’importance d’une éruption est très subjective. En 1982, Newhall et Self ont étudié plus de 6000 éruptions différentes et, en utilisant le maximum d’informations objectives, ont proposé une échelle de magnitude qui se définit selon la plus ou moins grands explosivité de l’éruption. C’est ce que l’on nomme l’indice d’explosivité volcanique. Cette échelle de magnitude est graduée de 0 à 8. Elle décrit et qualifie l’éruption, tient en compte du volume de tephra émis, de la hauteur de la colonne éruptive, de son injection dans la troposphère et la stratosphère. Elle détermine également la nature des produits émis et le type de dynamisme mis en jeu.
On remarquera que moins de 7 % des éruptions connues et recensées sont considérées comme fortement explosives. Mais il s’agit bien entendu des éruptions responsables du plus grand nombre de victimes, de dégâts importants et de modifications climatiques significatives. Par ailleurs, la rareté de ce type d’activité constitue un facteur de risque plus important encore : on porte moins attention à des éruptions à fréquence faible.
d. La surveillance opérationnelle.
i. Les déformations du sol et inclinométrie.
C’est le volcanologue japonais, F. Omori, qui a mesuré pour la première fois, au début du 20 e siècle, des déformations sur les flancs des volcans précédant des éruptions et qui les a corrélées à des crises sismiques. La plupart du temps, et plus particulièrement pour les volcans basaltiques, les mouvements de terrains sont invisibles. Il faut donc des appareils de mesure pour les appréhender. Tous les gonflements des volcans, même importants, même associées à des crises sismiques, ne sont pas nécessairement suivis d’éruptions volcaniques. Il y a eut dans les années 1980 trois exemples fameux : Long Valley Caldera en Californie, les Champs Phlégréens près de Naples, Et Rabaul en Papouasie Nouvelle Guinée.
Dans les années 1950, le géophysicien japonais, K. Mogi, fit des modèles théoriques de déformation des volcans avec les données existant à cette époque. Il a considéré une chambre magmatique de telle forme, de tel volume, à une telle profondeur dans le volcan, avec des hypothèses sur différentes pressions s’exerçant sur les bords de cette chambre et a calculé les conséquences des variations de pressions sur les flancs du volcan considéré. Mais entre les calculs et la réalité l’accord n’est pas toujours probant. Il faut bien se rendre compte que chaque volcan a sa spécificité, qu’il n’y a pas de modèle général absolu et qu’il faut d’abord mesurer ce qui se passe sur le terrain. L’intérêt essentiel de tels modèles, celui de Mogi ou beaucoup d’autres plus élaborés, réside dans la description théorique de la déformation d’ensemble d’un volcan, ce qui permet d’installer les stations inclinométriques, ou tout autre capteur dans ce domaine, aux endroits où elles enregistreront les déformations les plus significatives.
Un réseau d’inclinométrie est donc constitué de plusieurs stations, chacune étant constituée de deux inclinomètres, l’un en position radiale, l’autre en position tangentielle. Il existe différentes sortes d’inclinomètres : à bulle, à eau ou tout autre liquide, principe des vases communicants, et à pendules. Ces appareils sont très sensibles et peuvent détecter des variations d’un microradian, c’est-à-dire la variation d’une pente correspondant à 1 mm de hauteur sur une distance de 1 km. Par un système approprié, les signaux détectés sont transmis par radio à l’observatoire. Ici encore, l’alimentation électrique, comme pour toute station de terrain, est assurée par des panneaux solaires et des batteries en tampon.
ii. Emanations de gaz et surveillance du radon.
Les volcans actifs, qu’ils soient en éruption ou non, peuvent émettre d’énormes quantités de gaz. Le plus commun est le dioxyde de soufre. Ces gaz apparaissent de manière continue, avec des débits de quelques dizaines à plusieurs centaines de tonnes par jour, ou de manière ponctuelle lors des phases éruptives. Généralement, ces grandes injections de gaz chauds remontent vers la haute atmosphère et sont rapidement diluées. Elles ne présentent pas de danger pour les populations avoisinantes. Les rejets de gaz de moindre importance sont plus néfastes. Le vent les rabat sous la forme de nappes de gaz, et les pluies peuvent devenir acides. Dans certaines circonstances, les volcans rejettent des nappes de dioxyde de carbone. Le dioxyde de carbone est un gaz inodore plus lourd que l’air. En s’écoulant vers les zones habitées, il peut présenter un danger létal pour les populations.
Pendant de nombreuses années, les chercheurs se sont peu intéressés à la surveillance du radon dans le cadre de la prévision des éruptions volcaniques. Bien que simple dans son principe, la méthode était assez lourde à mettre en œuvre. Cette méthode ponctuelle intégrait l’émanation du radon sur une longue période et ne pouvait donc servir à la prévision en temps réel. Elle fut cependant très utile pour la recherche et la validité de la méthode. Il faut attendre le début des années 90, avec l’évolution de la technologie, pour disposer de sondes susceptibles de faire des mesures en continu.
Le choix du site d’implantation est fait à la suite d’études de terrain. On recherche en période calme les zones où la diffusion de radon et de gaz carbonique est maximum. On sait donc ainsi où sont situées dans le volcan et près de la surface les zones où il y a le maximum de circulation de fluides, donc où on a le plus de chances d’avoir des émanations gazeuses. Lorsque le site est bien déterminé, la sonde est alors placée dans un tube plastique à environ 1 mètre de profondeur. Comme pour les autres méthodes, il faut, là aussi, bien connaître le bruit de fond. Le coût de ces stations étant relativement faible, on peut disposer dans des endroits appropriés d’un assez grand nombre de capteurs et avoir ainsi non seulement une vue globale du dégazage diffus du volcan, mais aussi être à même de détecter plus facilement un évènement, la « poussée » du radon n’étant pas uniforme sur tout le volcan mais en relation avec la localisation de l’injection du magma.
iii. La surveillance sismique.
Le premier sismographe avec indication du temps fut inventé et installé sur le Vésuve, en 1855, par L. Palmieri qui, plus tard, devint Directeur de l’Observatoire. Le premier, il détecta les séismes d’origine volcanique. Grâce à cet appareil, il étudia tout particulièrement l’éruption du Vésuve de 1871-1872. Un réseau sismique pour la surveillance d’un volcan est donc constitué de sismomètres disposés sur le terrain en des sites appropriés. Pour le choix de l’implantation d’une station sismique, on tient en compte de la localisation géographique, de la nature du terrain afin d’avoir une bonne réponse du sol aux mouvements provoqués par un séisme, roche saine plutôt qu’amas cendreux, et de la possibilité de transmettre les signaux ; Le nombre de stations constituant un réseau varie d’un volcan à un autre.
On peut donc suivre la variation de l’activité sismique en fonction du temps, ainsi que la migration des foyers des séismes vers la surface qui accompagne la montée du magma, et donc prévoir son arrivée possible en surface. De plus, à cette sismicité provoquée par des craquements internes peut se surimposer une sismicité continue à basse fréquence, les trémors. Un réseau sismique permet donc d’écouter, sinon de voir, ce qui se passe dans un volcan. C’est en quelque sorte le stéthoscope du volcanologue. Ceci explique que la sismologie ait longtemps et souvent été considérée comme la reine des disciplines pour assurer la surveillances des volcans. La surveillance de bon nombre de volcans n’est d’ailleurs assurée que par elle et avec souvent une seule station sismique qui ne sert que de sonnette d’alarme.
iv. La surveillance hydroacoustique et magnétique.
L’atténuation des vibrations engendrées par la circulation de la lave, par la circulation des fluides ou par la micro sismicité liée à la microfissuration précédant des ruptures franches des terrains au voisinage des chambres magmatiques ou de la propagation des dykes, est bien moins importantes en milieu liquide que dans les terrains volcaniques hétérogènes. En plaçant un hydrophone piézo-électrique de haute sensibilité dans un lac de cratère, dans un puits voire dans un forage rempli d’eau, on aura un excellant couplage mécanique entre l’appareil transducteur et le massif volcanique. On peut ainsi enregistrer des bruits allant de très basses fréquences (0,1 hertz) jusqu’au fréquences ultrasonores (200000 hertz). Cette méthode, encore peu utilisée, est certainement promise à un bel avenir dans la surveillance volcanique pour peu qu’il y ait des lacs de cratère ou des forages judicieusement implantés.
Le champ magnétique terrestre varie normalement avec le temps. Les structures internes complexes d’un volcan rendent ces variations assez hétérogènes à sa surface. Mais en profondeur, près de la chambre magmatique, lorsque le magma crée à l’intérieur de cette chambre une surpression, il se produit des variations de contrainte dans son voisinage immédiat. En effet, les pressions, et surtout la circulation des fluides, créent des variations de courants électriques qui modifient localement le champ magnétique : on parlera ici de volcano magnétisme. Avant ou pendant une éruption, on peut observer des variations allant jusqu’à quinze ou vingt unités de mesure, le nano tesla.
e. Contremesures face aux risques.
i. Tephra.
On ne pourra jamais éviter une retombée de cendres, mais tout au moins on peut essayer de s’en protéger. La première contre mesure consiste en une évacuation de la zone, si celle-ci est trop vaste, l’évacuation de toute la région n’est pas envisageable. Une population peut survivre quelque temps sous des retombées de cendre avec des conditions de confort certes très difficiles mais sans risque majeur. Par contre il est fondamental de veiller au dégagement régulier des toit pouvant toujours s’effondrer sous le poids des cendres. La pollution des eaux de surfaces ainsi que des aliments est un danger.
ii. Coulées pyroclastiques.
Il n’y a aucune contre mesure possible face à un dynamisme aussi violent qu’une coulée pyroclastique : seule l’évacuation totale de la zone menacée est envisageable. Pour ce faire il convient de connaître précisément les zones de dépôts provenant des éruptions passées et d’avoir une bonne estimation du relief du sol. La mise en place d’une carte de risque précise est fondamentale.
iii. Coulées de lave.
Si l’on arrêtera jamais l’émission de lave, on peut cependant essayer d’en modifier le cours. Les premières tentatives sont anciennes : en 1669, sur les flancs de l’Etna, la première intervention fût faite par Pappalardo. Beaucoup d’autres ont suivi, notamment à Hawaï, mais tous les essais de déviation de cours par construction de barrages ne furent pas convaincants. Aujourd’hui, on cherche à modéliser l’écoulement de la lave en fonction de sa composition et de sa température mais aussi par rapport au degré de la pente et la rugosité du sol. Un tel modèle mathématique sera un outil utile aux prochaines interventions.
iv. Emanations de gaz.
Il n’y a pas d’intervention possible face aux nappes de gaz émises durant une éruption, si ce n’est étudier la distribution locale des vents et le relief du sol puis de conseiller à la population de s’établir dans les zones les moins exposées. Par contre, on peut essayer de soutirer les gaz dissous dans les eaux profondes d’un lac : on limitera ainsi les risques d’émanations massives dues à une inversion de phase. Un tel dégazage est possible en remontant simplement par siphonnage l’eau du fond vers la surface : la baisse de pression suffisant à séparer le liquide des gaz qu’il contenait. Ce dégazage contrôlé est sans risque pour l’environnement.
v. Coulées de boue (lahars).
Plusieurs contre mesure sont possibles face à ce risque important. Une des plus efficaces consiste à construire sur les pentes du volcan des séries de barrières parallèles aux courbes de niveau : elles stabiliseront les dépôts et empêcheront leur glissement vers le bas. Dans les vallées collectrices ou conductrices de lahar, différents types de barrages peuvent être édifiés : certains sont constituées de grilles qui bloquent le matériel solide transporté mais laissent passer l’eau, d’autres barrages en chicanes successives brisent l’élan et la vitesse des coulées. On peut aussi prévoir des poches de rétention où s’accumuleront les boues transportées. Différents systèmes d’alertes de déclenchement de lahar, dont certains sont automatisés, peuvent être disposés sur les pentes du volcan ou dans les parties hautes des vallées : l’alerte relayée vers les zones habitées permet une évacuation immédiate et rapide de la population face au danger. On peut aussi concevoir de vidanger l’eau contenue dans certains lacs de cratère : moins le volume d’eau est important, moins grandes et moins mobiles seront les coulées de boue. Dans tous les cas, une carte de risque précise et son respect absolu sont les meilleures protections possibles.